La dorure telle que
nous la connaissons aujourd’hui est apparue durant le
premier siècle avant notre ère ; auparavant, il
s’agissait plutôt de placage d’or sur un support, la
mise en forme étant faite directement sur celui-ci par
martèlement (Egypte, Grèce).
Elle permet de
recouvrir un support (bois, papier, cuir, métal …) par
une fine couche de métal (or véritable de différents
carats, argent, cuivre ) présenté en feuilles ou en
poudres. Celui-ci est préalablement encollé soit :
-
Par une
colle animale, colle de peau de lapin, blanc
d’œuf battu en neige ; c’est la dorure à la détrempe
-
Par de la
mixtion à dorer qui est un vernis gras ; c’est
la dorure à l’huile. Il existe aussi une mixtion à
l’eau qui est une émulsion acrylique, dont la durée
de séchage est plus rapide.
-
Par des
poudres métalliques qui sont composées soit d’or
pur, soit d’alliages de cuivre, d’étain et de zinc :
c’est la dorure à l’huile à l’or moulu.
Elle donne les
résultats les plus fins mais elle est d’un emploi
délicat, résultant de 17 opérations successives sur un
bois préalablement bien dégraissé avec de l’ammoniaque
et de l’eau.
L’encollage : Il est destiné aux
boiseries et tous supports absorbants
Pour la première
couche, on fait bouillir dans 1 litre d’eau 2 gousses
d’ail, une poignée de feuilles d’absinthe jusqu’à
réduction de moitié ; on tamise le jus et on ajoute ½
poignée de sel et ¼ de litre de vinaigre et on ajoute la
moitié du volume en colle de peau de lapin (dosée à 150
g par litre) chaude.
La deuxième couche
est préparée avec 150 g de colle de peau de lapin, ½
gousse d’ail émincée et bouillie,
1 litre d’eau, 200 g
blanc d’Espagne. Ces préparations sont destinées à
protéger le bois des insectes et à imperméabiliser le
support.
L’apprêt de blanc
On prépare l’apprêt
avec 1 litre de colle de peau de lapin (150 g par
litre), et 400 g de blanc d’Espagne. Cet apprêt est
laissé infuser pendant ½ heure puis passé tiède (30 à
40°) avec une brosse ronde en tapant le support. Il est
nécessaire de poser huit couches minces ; en augmentant
très légèrement la dilution de l’apprêt. Enfin, on lisse
l’enduit avec la brosse trempée dans de l’eau tiède.
Le rebouchage et le peau-de-chiennage
Consiste à boucher
les fentes des panneaux avec un enduit fait d’un mélange
de colle de peau de lapin pure et de blanc d’Espagne
nommé « gros blanc » puis poncé à l’aide d’une peau de
chien de mer (actuellement avec du papier abrasif à
l’eau). On prépare le gros blanc en versant de la colle
de peau sur du blanc d’Espagne jusqu’à l’obtention d’une
pâte épaisse (style enduit).
Le ponçage et l’adoucissage
Il s’agit d’un
ponçage sommaire. Après séchage, on ponce les aplats
avec une pierre ponce fine (ou du papier abrasif moyen
sur une cale à poncer) en époussetant avec une brosse
fine et sèche. Puis on lave et on essuie soigneusement.
Les parties arrondies sont aussi traitées.
Les réparations
Les gorges et les
sculptures sont dégagées d’un excès d’apprêt par des
« fer à réparer », sortes de crochets de fer de
différentes formes. Les fers à réparer servent aussi à
créer un décor dans l’apprêt : fines entailles, motifs
floraux…
Le dégraissage
Nettoyage du support
avec une éponge douce puis essuyage.
Le prélage
Opération de
lissage, anciennement réalisée avec une prèle, maintenant
avec du papier abrasif très fin
(grain 400 puis 600), en
faisant attention à ne pas complètement enlever le
blanc.
Le coucher du jaune (ou d’une autre
couleur)
On mélange 50 g
d’ocre jaune bien broyé et détrempé avec son poids d’eau
dans ¼ de litre de colle de peau de lapin chaude dosée à
75 g / litre ; On laisse décanter puis on filtre. Cette
teinte très légère est passée avec une brosse fine sans
insister pour ne pas mouiller excessivement les couches
précédentes. Cette couche sert de fond et d’accroche
pour l’assiette. Dans le cas d’une dorure à l’or vert,
l’ocre est remplacé par un mélange du blanc de titane,
bleu de Prusse et une laque jaune citron de façon à
obtenir une teinte vert d’eau. Pour la dorure à l’or
citron, on utilise une laque jaune citron (le pigment
utilisé par les anciens doreurs est le stil de grain).
L’égrainage
On ponce le jaune
avec une prèle ou du papier abrasif pour enlever toutes
aspérités.
Le coucher de l’assiette
L’assiette* doit être
allongée par moitié avec de la colle de peau, puis
passée sur le support avec une brosse en soie de porc
longue et mince (brosse à assiette) en une couche sur
les parties devant rester mates, trois couches pour
celles devant être brunies. Elle est composée d’un oxyde
de fer finement broyé et de colle de peau de lapin et se
présente en une pâte de couleur jaune, rouge ou noire
pour l’argent et l’or blanc.
Le frottage
Il s’effectue à
l’aide d’une brosse dure appelée « chien d’assiette» ;
cette opération lustre l’assiette sur les parties devant
rester mates.
La dorure
Les
feuilles sont disposées dans un carnet de 8 cm de
coté ; elles sont extrêmement fragiles, leur épaisseur
variant entre 0.1 et 0.8 microns. Elles ont des couleurs
différentes suivant leur teneur en or pur :
-
blanc : 12
carats
-
vert : 16 carats
-
jaune : 22 à
23.6 carats
On prélève du carnet
la quantité de feuilles suffisante pour le travail grâce
à la palette à dorer (l’extrémité de la palette est
passée sur la joue pour se graisser) et on les dispose
sur le coussin. Puis on mouille la surface à dorer avec
un pinceau en petit gris pur, le « mouilleux », avec de
l’eau claire et fraîche en commençant par les fonds. La
feuille d’or est coupée au couteau à dorer aux
dimensions voulues (le couteau est tenu verticalement
sur la feuille et effectue un va-et-vient ; on doit
couper la feuille perpendiculairement, d’abord dans un
sens, puis dans l’autre, les morceaux devant être carrés
ou rectangulaires), puis happée par la palette. Elle est
posée sur le bord de la partie mouillée et en soufflant
très légèrement, elle s’étend seule sur le support ; on
lui fait épouser les formes grâce à l’appuyeux en
tapotant légèrement à sec. Les feuilles ne doivent pas
présenter de plis et sont placées bord à bord, le dessus
ne doit jamais être mouillé, l’eau la tachant
irrémédiablement.
Le brunissage
Au début on brunit
les rainures, puis les autres parties ; le brunissage
fait briller l’or et se fait à l’aide de
pierres d’agates de différentes formes montées sur
un manche : les brunissoirs. Il doit s’effectuer quand
la dorure est sèche et dans tous les cas le jour même.
Le matage
Les endroits devant
rester mats sont encollés avec de la colle de peau tiède
et tamisée étendue de moitié d’eau, passée légèrement en
une couche pour ne pas décoller l’or.
Le ramendage
Certaines parties de
la dorure ont été abîmées ou oubliées ; on répare ces
imperfections avec des petits morceaux d’or, posés comme
précédemment ou par une peinture à base d’or en poudre
et de gomme arabique présentée comme un godet
d’aquarelle que l’on dilue avec de l’eau (anciennement
nommé «or en coquille»).
Le vermillonnage
C’est une sorte de
patine, « le vermeil », passée avec un pinceau très fin
dans les rainures et les creux pour donner des reflets ;
suivant les cas, les couleurs peuvent être rouges,
jaunes, vertes. Le vermeil est traditionnellement
préparé avec ½ partie de sang-dragon, 2 parties de
rocou, 1 partie de gomme gutte, 2 parties de cendres de
bois de vigne et de 18 grains de safran ; on fait
bouillir ce mélange dans un peu moins d’un litre d’eau
jusqu’à réduction à ¾ de litre, puis on tamise et on
mélange avec un liant à base de gomme arabique (300 g
gomme pour 1 l d’eau ). Le vermeil vert est coloré avec
de la gomme gutte et un peu de bleu de Prusse, le jaune
avec seulement de la gomme gutte.
Le repassage
On repasse une
couche de colle de peau allongée d’eau dans les parties
restantes mates.
*Certaines assiettes
sont prêtes à l’emploi ; il suffit de rajouter de l’eau
pure ; se conformer aux indications des fournisseurs.
Elle demande aussi
une préparation minutieuse du support :
Sur des panneaux en bois
Préparation du
panneau identique à la dorure à la détrempe jusqu’au
passage de l’assiette, puis vernissage avec du vernis
gomme laque préparé avec 150 g de gomme pour un litre
d’alcool à 95°.
Passage de la
mixtion à dorer en une couche mince et bien égale.
Au bout de trois
heures, on commence à poser les feuilles d’or, soit « au
livret » pour les grandes surfaces (on appuie le bord de
chaque feuilles et on retire le carnet, la feuille
s’étendant toute seule), soit avec la palette à dorer
comme pour la pose à la détrempe (un pinceau «rondin »
remplace l’appuyeux).
Vernissage au
« vernis à l’or » (100 g gomme laque, 100 g sang-dragon,
100 g gomme gutte, 100 g rocou /
1 litre alcool 95°,
mélange laissé au soleil pendant une quinzaine de jours,
en remuant de temps en temps puis filtré) en 1 couche
avec un pinceau très souple puis en chauffant avec un
réchaud de doreur (boite munie d’un manche et remplie de
cendres chaudes) ; ce chauffage rend la transparence au
vernis. Le vernissage doit se faire à l’intérieur, dans
une atmosphère sèche et chaude.
Deuxième vernissage
avec un vernis gras blanc à base de résine copal en
plusieurs couches minces espacées de 48 heures.
Polissage avec un
drap humide et saupoudré de tripoli.
Lustrage avec la
paume de la main enduite d’huile d’olive.