Dorure
à la détrempe
par
Georges Menard
les produits nécessaires sont en vente sur la
boutique. Vous y trouverez en particulier que vous soyez
professionnels ou amateurs des
kits complets pour la dorure, les
accessoires (fers à reparer, brosses et spatules),
tous nos
brunissoirs, ainsi que
les vernis pour la dorure.
Vous trouverez également à acheter
ici des
livres sur la dorure.
C’est la dorure traditionnelle, employée dans les travaux de
valeur (cadres, icônes…). Elle nécessite plusieurs opérations
successives sur un bois préalablement bien dégraissé avec de
l’ammoniaque et de l’eau. Certaines «recettes » ont été trouvées
dans des ouvrages anciens et ne sont citées que pour mémoire.
Première étape : encollage
L’encollage traditionnel
Il est destiné aux boiseries et tous
supports absorbants. Pour la première couche, on fait bouillir dans
1 litre d’eau 2 gousses d’ail, une poignée de feuilles d’absinthe
jusqu’à réduction de moitié ; on tamise le jus et on ajoute ½
poignée de sel et ¼ de litre de vinaigre blanc et on ajoute la
moitié du volume en COLLE DE PEAU DE LAPIN (dosée à 150 g par litre
) chaude. La deuxième couche est préparée avec 150 g de cette colle,
½ gousse d’ail émincée et bouillie, 1 litre d’eau, 200 g de BLANC
D’ESPAGNE ou BLANC DE MEUDON ou BLANC DE TROYES. Ces préparations
sont destinées à protéger le bois des insectes et à imperméabiliser
le support.
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Colle de peau de lapin en
granulés |
Blanc d’Espagne (carbonate de
calcium) |
L’encollage moderne
Un bois ancien doit d’abord être
traité contre les insectes avec un produit insecticide puis
dégraissé.
On passe ensuite une première couche
d’encollage avec de la colle de peau de lapin* dosée à 80 g par
litre et une seconde avec la même colle préparée avec 150 g par
litre dans laquelle on rajoute 200 g de blanc d’Espagne.
* Préparation de la colle :
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Verser la colle dans de l’eau déminéralisée froide
-
Laisser «gonfler » celle-ci pendant 4 heures
-
Faire chauffer au bain-marie jusqu’à dissolution complète
-
Passer la colle sur le support en la maintenant chaude au
bain-marie en une fine couche.
-
Pour la seconde couche, préparer à l’identique (sauf le
dosage) et rajouter le blanc d’Espagne en remuant de façon à
avoir une crème homogène.
Deuxième étape
L’apprêt de blanc ou GESSO
On prépare l’apprêt avec 1 litre de
colle de peau de lapin (150 g par litre) et 400g de blanc d’Espagne.
Cet apprêt est laissé infusé pendant ½ heure puis passé tiède (30 à
40°) avec la BROSSE à APPRETS* en tapant le support afin de bien
l’imprégner. Il est nécessaire de mettre six à huit couches minces à
un intervalle d’une heure entre chaque couche ; la température de la
pièce ne doit pas être trop élevée sous peine de voir apparaître des
craquelures. On lisse ensuite l’enduit avec la brosse trempée dans
de l’eau tiède.
Il existe aussi un gesso prêt : GESSO
AMMANITURA qu’il suffit de réchauffer au bain-marie en rajoutant le
même volume d’eau déminéralisée.
* Presque toutes les brosses employées
en dorure sont «liée ficelle» : les soies sont maintenues sur le
manche par une ficelle car une virole métallique risquera de
s’oxyder et de souiller le support.
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Brosse à apprêt
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Gesso Ammanitura
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Troisième étape : Le rebouchage et le peau-de-chiennage
Il consiste à boucher les fentes des
panneaux avec un enduit fait d’un mélange de colle de peau de lapin
pure et de blanc d’Espagne nommé «gros blanc » Il sera ensuite poncé
avec du papier abrasif à l’eau grain 400. On prépare le gros blanc
en versant de la colle de peau sur du blanc d’Espagne jusqu’à
l’obtention d’une pâte épaisse (style enduit) ; on peut aussi
employer le gesso Ammanitura chaud et non dilué.
Quatrième étape : Le ponçage et l’adoucissage
Il s’agit d’un ponçage sommaire. Après
un séchage de 24 heures, on ponce les aplats avec une pierre ponce
fine (ou du papier abrasif moyen sur une cale à poncer) en
époussetant avec une brosse fine et sèche. Puis on lave sans trop
détremper et on essuie soigneusement. Les parties arrondies sont
aussi traitées.
Cinquième étape : Les réparations
Un séchage de 24 heures sera
nécessaire avant de procéder à cette opération.
Les gorges et les sculptures sont
dégagées d’un excès d’apprêt par des FERS à REPARER, sortes de
crochets de fer de différentes formes montés sur un manche. Les fers
servent aussi à créer un décor dans l’apprêt : fines entailles,
motifs floraux… Ce sont des outils que l’on tire vers soi.
Sixième étape : Le dégraissage
Nettoyer le support avec de l’eau pure (déminéralisée) sur une
éponge douce puis l’essuyer.
Septième étape : Le prélage
Opération de lissage, anciennement
réalisé avec une prêle, maintenant avec du papier abrasif très fin
(grain 400 puis 600 ), en faisant attention à ne pas trop user le
blanc.
Huitième étape : Le coucher du jaune (ou d’une autre couleur)
On mélange 50 g d’OCRE D’OR bien broyé
et détrempé avec son poids d’eau dans ¼ de litre de colle de peau de
lapin chaude dosée à 80 g / litre ; On laisse décanter puis on
filtre. Cette teinte très légère est passée avec une brosse fine
(brosse à assiette par exemple) sans insister pour ne pas mouiller
excessivement les couches précédentes. Cette couche sert de fond et
d’accroche pour l’assiette à dorer. Dans le cas d’une dorure à l’or
vert, l’ocre est remplacé par un mélange du BLANC de TITANE, BLEU de
PRUSSE et de LAQUE JAUNE CITRON, de façon à obtenir une teinte vert
d’eau. Pour la dorure à l’or citron, on utilise la laque jaune
citron (le pigment utilisé par les anciens doreurs est le stil de
grain).
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Ocre d’or |
Blanc de titane |
Bleu de Prusse |
Laque jaune citron |
Neuvième étape : L’égrainage
On ponce légèrement le jaune avec du papier abrasif pour enlever
toutes aspérités.
Dixième étape : Le coucher de l’assiette
L’ASSIETTE à DORER est une pâte
composée d’un oxyde de fer finement broyé LE BOL d’ARMENIE et de
colle de peau de lapin ; Elle est de couleur jaune ou rouge pour
l’or jaune et noire pour l’argent et l’or blanc. Elle doit être
réchauffée au bain-marie, allongée de deux volumes de colle de peau
tiède (dosée à 80 g par litre), puis passée sur le support avec une
brosse en soie de porc longue et mince appelée BROSSE à ASSIETTE en
deux couches sur les parties devant rester mates, trois couches pour
celles devant être brunies. Elle a la particularité de retenir la
feuille d’or quand elle est humidifiée.
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Assiette (ou bol) à
dorer |
Bol d’Arménie en
poudre |
Brosse à
assiette |
Le bol d’Arménie est une argile
kaolinique très fine colorée par des oxydes de fer. On la laisse
détremper dans de l’eau pure puis on rajoute de la colle de peau
tiède.
Onzième étape : Le frottage
Il s’effectue à l’aide d’une brosse dure en soie de sanglier
appelée CHIEN d’ASSIETTE ; cette opération consiste à polir
l’assiette avant la pose de l’or.
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Brosse chien d’assiette |
Douzième étape : La dorure à l’or libre
Les feuilles sont disposées dans un
CARNET de 8 cm de coté ; elles sont extrêmement fragiles, leur
épaisseur variant entre 0.1 et 0.8 microns. Elles ont des couleurs
différentes suivant leur teneur en or pur :
On prélève du carnet la quantité de
feuilles suffisante pour le travail grâce à la PALETTE à DORER
(l’extrémité de la palette est passée sur la joue pour se graisser,
mais pas trop sinon la feuille ne se détacherai pas) et on les
dispose sur le COUSSIN à DORER. Puis on mouille la surface à dorer,
avec de l’eau claire et fraîche à l’aide d’un pinceau en petit gris
pur, le MOUILLEUX en commençant par les fonds.
La feuille d’or est coupée par le
COUTEAU à DORER aux dimensions voulues : le couteau, bien propre,
est tenu verticalement sur la feuille et effectue un va-et-vient .
Il faut la découper d’abord dans un sens, puis dans un autre (les
morceaux devant être carrés ou rectangulaires).
Les parties de la feuille sont de
nouveau happées par la palette. Elle est ensuite posée sur le bord
de la partie mouillée.
En soufflant très légèrement, la
feuille s’étend seule sur le support ; on lui fait épouser les
formes grâce à un autre pinceau en petit gris, l’APPUYEUX en
tapotant légèrement à sec.
Les feuilles ne doivent pas présenter
de plis et sont placées bord à bord ou peuvent se chevaucher de 2mm.
Elles ne doivent jamais être mouillées, l’eau les tachant de façon
irrémédiable.
Une demi-heure après la fin de la
dorure, on époussette la surface avec l’appuyeux de façon à enlever
les fragments d’or en surplus. Ils seront conservés pour les
finitions ou broyés pour obtenir de la poudre d’or.
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Carnet de 25 feuilles d’or |
Coussin |
Couteau |
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Palette à dorer |
Mouilleux |
Appuyeux |
Couteau à dorer : couteau à deux
tranchants de 14 cm et au bout arrondi. Il doit être affûté et ne
doit présenter aucune ébréchure ; il doit être soigneusement
dégraissé (alcool ménager) avant toute utilisation. Il se prête à
deux utilisations :
-
Pose des feuilles du carnet sur le
coussin : on appuie légèrement le couteau au centre de la
feuille et on souffle sur celle ci de façon qu’elle ; s’enroule
sur le couteau et on la dépose ensuite.
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Découpe des feuilles sur le
coussin.
Coussin à dorer : Peau chamoisée
tendue sur une plaquette de bois d’environ 20 /30 cm et garnie de
mousse.
Palette à dorer : Pinceau très fin
dont les poils sont maintenus entre deux feuilles de papier
cartonné. Existe en plusieurs largeurs 2 – 3 – 4 – 5 – 8 cm en petit
gris, 8 cm en marte pure, 10 cm en blaireau, ce dernier étant
réservé aux feuilles de cuivre. La largeur de la palette doit être
supérieure à celle de la feuille d’or que l’on doit poser. Elle est
passée sur la joue afin de la rendre collante.
Variante :
la dorure à l’or
adhérent : Les feuilles d’or sont «collées » sur une feuille de
papier soie ; cette protection les rend facilement manipulables.
Elles se manipulent par la feuille protectrice et découpée à la
dimension voulue à l’aide d’un ciseau. On les dépose sur l’assiette
humide coté or et on enlève la feuille protectrice. On ne peut
utiliser ces feuilles que sur des surfaces lisses et plates, la
protection l’empêchant d’épouser les reliefs.
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Carnet d’or adhérent |
Treizième étape : Le ramandage
Certaines parties de la dorure ont
étés abîmées ou oubliées ; on répare ces imperfections avec des
petits morceaux d’or, posés comme précédemment avec un pinceau à
ramender, ou par une peinture faite d’or en poudre et de gomme
arabique et présentée comme un godet d’aquarelle que l’on dilue avec
de l’eau (anciennement nommé « or en coquille »).
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Pinceau à ramander plat |
Or en coquille |
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Pinceau à ramander rond |
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Quatorzième étape : Le brunissage
Le brunissage poli et fait briller
l’or. Il se fait à l’aide de pierres d’AGATE de différentes formes
et montées sur un manche : les BRUNISSOIRS. Il doit s’effectuer
quand la dorure est sèche, 2 à 3 heures après l’application et dans
tous les cas le jour même. Il faut que le brunissoir soit tiède et
on commence à brunir sans trop appuyer. On augmente peu à peu la
pression et on agrandit la partie à polir jusqu’à ce qu’elle soit
toute brunie.
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Agate n°2 |
Agate n°12 |
Agate n° 9 |
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Les cadres ne doivent pas être polis de partout ; certaines
parties doivent rester mates (voir étape suivante)
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Le brunissage de la dorure d’icônes doit respecter
l’orientation de la lumière et doit être dans le sens de celle
ci.
Quinzième étape : Le matage
Les endroits devant rester mat, sont
encollés avec de la colle de peau tiède (dosée à 80 g par litre),
tamisée et étendue de moitié d’eau ; elle sera passée légèrement en
une couche pour ne pas décoller l’or.
Seizième étape : Les patines
Le vermillonnage traditionnel
C’est une sorte de patine, « le
vermeil »que l’on passe avec un pinceau très fin dans les rainures
et les creux pour donner des reflets ; suivant les cas, les couleurs
peuvent être rouges, jaunes, vertes. Le vermeil est
traditionnellement préparé avec ½ partie de sang-dragon, 2 parties
de rocou, 1 partie de gomme gutte, 2 parties de cendres de bois de
vigne et de 18 grains de safran. On fait bouillir ce mélange dans un
peu moins d’un litre d’eau jusqu’à réduction à ¾ de litre, puis on
le tamise et on le mélange avec un liant à base de gomme arabique
(300 g gomme pour 1 l d’eau ). Le vermeil vert est coloré avec de la
gomme gutte et un peu de bleu de Prusse, le jaune avec seulement de
la gomme gutte.
Comme on peut s’en rendre compte, il
est de nos jours très difficile d’effectuer cette opération.
Patines modernes
Elle peut être réalisée avec du bitume
de Judée qui est un mélange de bitume, de solvant et d’un peu de
cire. Il est passé en une fine couche puis essuyé avec un chiffon
doux pour qu’il ne reste que dans les parties creuses et de mettre
ainsi en évidence le relief.
Dix-septième étape : Le vernissage
Cette étape n’est pas nécessaire la plus part du temps, sauf sur
les icônes ; on emploiera alors un vernis à tableaux à séchage
rapide.
Ouvrages clés
Dictionnaire technique de la peinture André BEGUIN auteur et
éditeur 2 rue DANVILLE 75014 PARIS
Il libro dell’ arte CENNINO CENNINI (XIV° siècle) édition BERGER
LEVRAULT
Traité des divers arts MOINE THEOPHILE (XII° siècle)
Art du doreur WATTIN - Encyclopédie de DIDEROT et D’ALEMBERT
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